Passez au contenu principal Passez au menu de la section

NE LAISSEZ PAS LES VICTIMES D’ABUS PÉDOSEXUELS AVEC PRISE D’IMAGES EN MARGE DE L’ACTIVITÉ LÉGISLATIVE : DÉCLARATION DU GROUPE PHOENIX 11 À LA RÉUNION MINISTÉRIELLE DU GROUPE DES CINQ


Pour publication immédiate

Nous, du groupe Phoenix 11, vous écrivons aujourd’hui à l’occasion d’un anniversaire qui ne nous donne pas de quoi célébrer. Il y a six ans, le Centre canadien de protection de l’enfance et le National Center for Missing & Exploited Children ont réuni onze femmes qui avaient une chose en commun : nous avons survécu à des abus pédosexuels qui ont été immortalisés par des photos et des vidéos qui ont été – et qui sont toujours – diffusées en temps réel sur Internet.

Nos histoires ne sont pas tout à fait les mêmes, mais le fil qui nous unit, c’est que des images ont été prises de nous pendant que nous subissions des actes horribles alors que nous étions enfants. Nous avions des appréhensions et des incertitudes par rapport à notre première rencontre, mais elle a mené à la création du premier collectif mondial de défenseures des intérêts des survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images. Nous sommes capables de parler de notre expérience commune alors que d’autres en sont incapables, et nous estimons de ce fait avoir l’obligation morale de le faire dans l’espoir que les générations actuelles et futures d’enfants de notre monde ne connaîtront pas le même sort que nous.

Au cours des six dernières années, nous avons accompli un travail considérable. Nous avons eu des rencontres et des conversations avec des gouvernements, des organismes et des professionnels de la protection de l’enfance, des corps de police, des universitaires, des chercheurs et des acteurs stratégiques du monde entier. Nous avons fait état des répercussions de notre traumatisme et de la revictimisation sans fin que nous subissons du fait que des images de nos moments les plus horribles circulent librement parmi des communautés pédophiles sur Internet. Nous avons expliqué que des images d’abus sexuels pédosexuels ont été utilisées pour nous conditionner, et nous sommes hantées par l’idée que les abus que nous avons nous-mêmes subis servent à conditionner de nouvelles victimes infantiles. Nous avons effectué des recherches approfondies et rédigé des déclarations sur des enjeux importants qui touchent les victimes et les survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images dans le monde entier. Après tout cela, notre objectif reste le même : nous sommes venues pour exiger la fin de l’exploitation et des abus sexuels d’enfants sur Internet.

En mars 2020, nous avons participé à une table ronde à la Maison-Blanche au terme de laquelle les ministres du Groupe des cinq ont dévoilé leurs Principes volontaires pour contrer l’exploitation et l’abus sexuels des enfants en ligne. C’était l’occasion pour les entreprises de technologie de faire passer les enfants avant les profits et de prendre l’initiative de mettre des mesures en place pour réduire la cyberviolence sur leurs applis, leurs plateformes et leurs infrastructures de stockage. Ces Principes volontaires ont été approuvés par des géants de la technologie, dont Apple, Meta, Snapchat, X et TikTok.

Nous savons d’expérience que les efforts déployés pour faire d’Internet un lieu plus sûr pour les enfants sont constamment réduits à néant par les entreprises de technologie. Pour chaque bon coup, d’innombrables enfants sont trahis par les entreprises de technologie. Les entreprises de technologie exploitent les failles des lois, le plus souvent sans grandes conséquences judiciaires. Les entreprises de médias sociaux susnommées ont approuvé les Principes volontaires, et pourtant, les cyberviolences subies par les enfants sur leurs plateformes sont si flagrantes que ces entreprises ont été appelées à comparaître devant la commission judiciaire du Sénat des États-Unis en janvier 2024.

Nous reconnaissons que les cinq pays qui étaient présents avec nous en 2020 ont tous participé à l’élaboration des Principes volontaires et se sont efforcés de rendre Internet plus sûr pour les enfants. Pour les enfants qui grandissent dans un monde qui gravite constamment autour d’Internet et des médias sociaux, ces avancées nécessaires se faisaient attendre depuis longtemps. Cependant, nous avons quelque part le sentiment que les victimes d’abus pédosexuels avec prise d’images sont laissées pour compte.

Nous représentons la population de victimes dont personne ne semble vouloir parler lorsqu’il s’agit de réglementer Internet. Nous pensons que cela s’explique en partie par la question de la détection proactive et de la suppression des images d’abus pédosexuels connues dans les espaces chiffrés, qui sont à la fois des espaces où ces crimes prospèrent et des espaces auxquels personne ne veut toucher. Nous sommes des survivantes d’actes de violence inqualifiables qui ont été perpétrés contre nous quand nous étions des bébés, des enfants en bas âge et des enfants plus grands. Les photos et les vidéos de nos abus ont été prises par des personnes qui étaient pourtant censées nous protéger. Ces images ont ensuite été vendues ou échangées pour le plaisir et le profit à des délinquants qui, encore aujourd’hui, les regardent et les partagent sur des plateformes en ligne et des services de stockage qui s’enrichissent avec l’argent des délinquants qui les utilisent.

C’est ainsi que les abus sexuels que nous avons subis sont monétisés sur Internet. Aucun contrôle parental ne peut remédier à nos traumatismes quand nos agresseurs sont nos parents, des membres de nos familles et des amis de nos familles en qui nous avions confiance. Les pédophiles n’utiliseront pas les mécanismes de signalement pour signaler les abus qu’ils consomment avidement. Les outils de type « Take It Down » nous sont inutiles parce que nos images d’abus ne nous ont jamais appartenu et que nous n’avons jamais consenti à leur production. Forcer les prédateurs d’enfants à se tourner vers des espaces chiffrés en choisissant de ne réglementer que les espaces non chiffrés ne nous servira à rien, ni à nous ni aux innombrables nouvelles victimes infantiles et survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images.

Ce ne serait pas si terrible que les gouvernements obligent les entreprises de technologie à utiliser des technologies qui existent déjà et qui permettent de détecter et de supprimer les images d’abus pédosexuels connues tout en préservant la vie privée des citoyens respectueux de la loi dans les espaces chiffrés privés. Est-ce vraiment si terrible de faire une telle demande sachant que les entreprises de technologie utilisent déjà des technologies de balayage dans les espaces chiffrés et non chiffrés pour protéger les consommateurs contre les liens malveillants et les virus? Les entreprises de technologie analysent déjà les messages privés à la recherche de logiciels malveillants et de virus problématiques, mais elles refusent de faire de même avec des empreintes numériques pour supprimer des images d’enfants violés et torturés.

Les entreprises de technologie ont eu beaucoup de temps et d’occasions pour prendre acte de leur obligation morale envers les enfants et agir de manière volontaire. Quatre ans après le dévoilement des Principes volontaires, force est de constater que les entreprises de technologie n’agissent toujours pas pour le bien des enfants, et si nous continuons d’attendre qu’ils prennent acte de leurs obligations morales, l’histoire nous jugera sévèrement, à juste titre, pour avoir échoué à protéger les plus vulnérables.

Les gouvernements et les organismes de réglementation ne peuvent pas se permettre de laisser les entreprises de technologie déterminer comment elles se conformeront aux lois. L’histoire montre que si on leur en laisse le choix, les entreprises de technologie vont tout simplement contourner la réglementation en déployant le chiffrement, en exploitant les failles de la loi et en faisant le strict minimum pour répondre aux exigences. On permet aux entreprises de technologie d’avoir leur mot à dire sur la façon dont les règlements sont formulés et mis en application; ces mêmes entreprises n’ont jamais voulu s’autoréglementer, et pourtant, on les traite toujours comme si elles se souciaient de l’intérêt supérieur des enfants.

Le groupe Phoenix 11 salue l’adoption de la loi sur la sécurité en ligne (Online Safety Act) au Royaume-Uni, la présentation du projet de loi sur les préjudices en ligne au Canada et les efforts du commissaire à la sécurité électronique (eSafety Commissionner) en Australie. Cependant, nous estimons que les points soulevés dans la présente déclaration s’avèrent toujours problématiques quand vient le temps de rédiger des règlements spécifiques applicables aux victimes et aux survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images. Mentionnons l’absence de réglementation pour les espaces chiffrés, la formulation de recommandations et d’attentes laissées au bon vouloir des entreprises de technologie et le fait de permettre aux entreprises de technologie de déterminer comment elles appliqueront la réglementation à leurs plateformes, leurs applis et leurs services de stockage. Aux États-Unis, le fait demeure que les lois les plus susceptibles d’être adoptées sont soucieuses des intérêts des entreprises de technologie et de leur préférence de placer la responsabilité sur les épaules de l’utilisateur mineur et de ses parents protecteurs, ce qui – le plus souvent – ne s’applique pas aux victimes et aux survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images. Nous suivons de près le cheminement d’un projet de loi en Nouvelle-Zélande qui, espérons-nous, desservira les intérêts des victimes et des survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images au même titre que ceux des victimes d’autres formes de cyberviolence lorsqu’il sera adopté.

Salutations distinguées,

Un groupe de 11 survivantes d’abus pédosexuels unies contre l’inadéquation des réponses à la large circulation des images d’abus pédosexuels sur Internet

Contact médias
1 204 560-0723
communications@protegeonsnosenfants.ca

-30-

Un mot sur le groupe Phoenix 11 : Le groupe Phoenix 11 réunit des survivantes d’abus pédosexuels enregistrés et, dans la plupart des cas, diffusés sur Internet. Ces survivantes se sont mobilisées pour dénoncer haut et fort l’inadéquation des réponses à la prolifération des images d’abus pédosexuels sur Internet.

Un mot sur le Centre canadien de protection de l’enfance : Le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE) est un organisme de bienfaisance national qui se consacre à la protection personnelle de tous les enfants. Il veut réduire l’exploitation et les abus sexuels d’enfants et offre à cette fin des programmes, des services et des ressources aux familles, aux éducateurs, aux organismes de services à l’enfance et aux forces policières du Canada ainsi qu’à d’autres intervenants. Cyberaide.ca — la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants sur Internet — relève aussi du CCPE, de même que le Projet Arachnid, une plateforme Web qui détecte les images d’abus pédosexuels connues sur le Web ordinaire et le Web clandestin et qui envoie des demandes de suppression à l’industrie.

Soutenez nos efforts. Faites-nous un don.

Associez-vous à une grande cause. En tant qu’organisme de bienfaisance enregistré, nous faisons appel aux dons pour nous aider à offrir nos services et nos programmes à la population. Aidez-nous à aider les familles et à protéger les enfants.

Faire un don