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NOUS SOMMES CES ENFANTS : DÉCLARATION DU GROUPE PHOENIX 11 EN RÉPONSE AUX CRITIQUES D’UN GROUPE DE SCIENTIFIQUES CONCERNANT LE PROJET DE RÈGLEMENT DE L’UE POUR BLOQUER LES IMAGES D’ABUS PÉDOSEXUELS


Pour publication immédiate

Aux députés du Parlement européen et aux États membres du Conseil de l'Union européenne,

Le groupe Phoenix 11 a pris connaissance d'une déclaration commune signée par un groupe de scientifiques et de chercheurs concernant la proposition de règlement de l'UE sur les abus pédosexuels, et nous sommes ravies d’avoir la possibilité de faire entendre la voix des survivantes et survivants dans cet débat. À notre connaissance, les survivantes et survivants et/ou les organisations de survivantes et survivants n'ont pas été consultés et leurs intérêts n’ont pas été pris en compte par les auteurs de la déclaration susmentionnée. Ces derniers semblent s'accorder sur le fait que l'objectif visé est de protéger les enfants contre les abus et l'exploitation. Il nous apparaît donc logique de prendre en compte les voix de ceux et celles dont la vie dépend de la capacité des gouvernements à les protéger.

L'idée selon laquelle les abus pédosexuels ainsi que la production et la distribution d’images d’abus pédosexuels sont des crimes que la réglementation ne permettrait pas d’éradiquer complètement – et que les gouvernements ne devraient donc pas chercher à adopter des lois qui feraient obstacle aux abus et à l'exploitation des enfants – semble être diamétralement opposée aux raisons mêmes pour lesquelles nous avons des lois. Dans quelle société vivrions-nous si on laissait le champ libre aux criminels sous prétexte que les lois les rendraient plus intelligents?

Les criminels dont nous parlons ici sont des prédateurs d'enfants. Ils commettent des abus sexuels contre les plus vulnérables de nos concitoyens, ils les torturent et vont parfois jusqu’à les assassiner lorsqu’ils commettent leurs crimes, et ils enregistrent ces horreurs, les diffusent en direct ou les immortalisent sur support photographique. Ils reçoivent des demandes en ligne et se font payer pour infliger des sévices particuliers. Nous le savons parce que nous l'avons vécu. Ce ne sont pas des scénarios hypothétiques. Nous sommes ces enfants. L'idée selon laquelle on ne devrait pas se donner la peine de réglementer Internet parce que les prédateurs deviendront tout simplement de meilleurs prédateurs vient brimer et brimera encore la vie de millions d'enfants victimes ainsi que de survivantes et survivants.

La déclaration des scientifiques rate la cible du point de vue de l'expérience vécue. Nous reconnaissons l’importance de protéger la vie privée, mais nous nous demandons pourquoi le débat n’est pas centré sur les victimes, les survivantes et les survivants. Ce sont les abus que nous avons subis, nos corps, les pires scènes de notre exploitation et les moments les plus horribles de notre vie qui sont immortalisés et mis en ligne pour être téléchargés, échangés et diffusés pour le reste de notre vie. Ne se soucie-t-on pas de la vie privée des personnes qui ont été abusées et exploitées par des prédateurs et qui sont par la suite abusées et exploitées à répétition parce que les entreprises de technologie ne se donnent pas la peine d’intercepter ces images et de les supprimer?

Qui plus est, d'affirmer que les règlements concernant les images d’abus pédosexuels mettront en péril le « droit du consommateur au respect de sa vie privée dans l'espace numérique » a de quoi faire sourciller. Les plateformes de médias sociaux sont, comme leur nom l'indique, des espaces de socialisation. La présomption de respect de la vie privée n’existe pas lorsqu’un utilisateur donne sciemment et volontairement ses informations personnelles à une tierce partie. Au deuxième paragraphe de ses conditions générales d’utilisation, Meta précise qu’elle « [utilise] vos données à caractère personnel afin de définir les publicités personnalisées à vous montrer »; c’est ce qu’on appelle de l’exploration de données (data mining). Comme chacun sait maintenant, Google, Snapchat, TikTok et Twitter collectent, analysent et utilisent les renseignements personnels des utilisateurs et leurs activités en ligne, comme le font d'innombrables autres plateformes.

Nous ne comprenons pas pourquoi les gens donnent librement des masses de données personnelles aux entreprises de technologie, mais s’opposent ensuite, au nom de la « protection de la vie privée » à un règlement qui obligerait ces entreprises à détecter les photos et les vidéos d'abus pédosexuels. Nous osons croire que, dans les faits, la majorité des gens qui ne sont pas des prédateurs et qui n'ont pas d'intérêt direct dans les grandes entreprises de technologie veulent voir des progrès dans la lutte contre l'exploitation des enfants et les abus pédosexuels.

Les manquements qui devraient nous inquiéter le plus de la part des entreprises de technologie se rapportent à leur incapacité chronique à protéger nos enfants des abus et de l'exploitation. On devrait tous se méfier des gens qui voient des imperfections dans les technologies qui permettent de sauver des enfants, mais qui ignorent les innombrables préjudices causés aux enfants par l’inaction flagrante des entreprises de technologie.

Notre souhait le plus cher est de voir nos gouvernements – qui ont le pouvoir et l'autorité de susciter de véritables changements – agir en fonction de ce que nous savons tous être vrai : chaque jour qui passe sans réglementation ni législation significative aggrave l'épidémie d’images d’abus pédosexuels sur Internet. Nous vous demandons instamment d’empêcher que cela se produise. Nous vous demandons instamment de ne pas vous ranger du côté des complices de ces crimes. Nous demandons une fois de plus l’avancement immédiat de la proposition de règlement de l'UE en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur les enfants en ligne.

Signé,

A group of 11 survivors of child sexual abuse who have banded together to challenge inadequate responses to the prevalence of child sexual abuse images on the internet

-30-

Un mot sur le groupe Phoenix 11 : Le groupe Phoenix 11 réunit des survivantes d’abus pédosexuels enregistrés et, dans la plupart des cas, diffusés sur Internet. Ces survivantes se sont mobilisées pour dénoncer haut et fort l’inadéquation des réponses à la prolifération des images d’abus pédosexuels sur Internet.

Un mot sur le Centre canadien de protection de l’enfance : Le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE) est un organisme de bienfaisance national qui se consacre à la protection personnelle de tous les enfants. Il veut réduire l’exploitation et les abus sexuels d’enfants et offre à cette fin des programmes, des services et des ressources aux familles, aux éducateurs, aux organismes de services à l’enfance et aux forces policières du Canada ainsi qu’à d’autres intervenants. Cyberaide.ca — la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants sur Internet — relève aussi du CCPE, de même que le Projet Arachnid, une plateforme Web qui détecte les images d’abus pédosexuels connues sur le Web ordinaire et le Web clandestin et qui envoie des demandes de suppression à l’industrie.

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